Le recours à la poésie signe un homme de caractère et sa singularité dans l’univers. Elle est la marque des esprits indépendants. Peu entendue de nos jours, elle fait cependant un retour remarquée, visible chez les libraires. En témoignent la profusion de recueils de nouveaux auteurs chez certains éditeurs indépendants. Face à l’uniformisation de la pensée et des contenus propagés par les grands médias, à l’échelle mondiale désormais de surcroit, elle signe le retour d’une quête de sens individuelle et le chemin d’une création propre hors des sentiers battus.
La poésie n’est pas seulement un refuge de l’expression libre et de la conscience souveraine dans les moments les plus difficiles, ou la voix du monde sensible. Elle peut être aussi une arme précieuse au service de luttes historiques. Deleuze dit en substance que l’art et la poésie sont non seulement des actes de création pure, mais aussi et surtout en ce monde-ci, des actes de résistance. Pour mémoire, les premiers feuillets sortis par la Résistance au temps de la deuxième guerre mondiale l’ont été par des poètes tel René Char, Pierre Seghers,…
Les éditions de Minuit nées de ces poussées et tribulations historiques, existent toujours aujourd’hui et font la part belle à l’écriture poétique. Survivance des lucioles de Georges Didi-Huberman ouvrage paru cette décennie et disponible chez cet éditeur, aborde la question d’une résistance poétique dans l’image et le dire à notre époque cybernétique d’uniformisation et de surveillance généralisée de la pensée et des populations.
Quel texte a perçu le mur du son des médias au moment du bombardement de Gaza par Israël ? Le cri d’un poète palestinien meurtri par la guerre, Refaat Alareer. La poésie porte la mémoire d’un peuple. Et la porte haut. Un peuple sans poète, c’est un peuple sans voix. Même si le destin du poète est souvent, hélas, celui du Dormeur du Val (Rimbaud), qui décrit avec tendre délicatesse toute l'horreur d'un homme, un soldat suppose t-on, frappé en plein cœur par une balle, gisant au pied d'un arbre
“Dieu le fracas que fait un poète que l’on tue” clame Aragon, en hommage à Garcia Lorca tombé sous les coups des franquistes pendant la Guerre d'Espagne. La poésie n'a pas seulement la qualité de percer le mur des silences au cœur de son temps, elle a la force de traverser les âges et de faire Mémoire. N'est-ce pas un long poème, l'Illiade et l'Odyssée chantée par Homère, qui figure en premier rang des ouvrages littéraires de notre civilisation ? Et que dire de l'un des rares fragments qu'il nous reste de Parménide d'Elée, fondateur de la philosophie grecque antique, qui exposa ses idées en vers inspiré par une muse venue de l'éther l'enseigner ?
Non, la poésie n'est pas morte. Elle git juste tapie sous la cendre comme une braise prête à enflammer les cœurs. Le fracas de ce monde ne saurait l'étouffer car elle est d'Eternité. "Elle est retrouvée. Quoi ? L'Eternité ! C'est la mer allée avec le soleil" chante le prince des poètes en notre langue qui nous laissé ses voyelles pour traverser le temps et rejoindre l'éther. "A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles. Je dirai quelques jours vos naissances latentes" entonne t-il pour nous inviter à la visiter dans les replis de leurs sonorités (Voyelles de Rimbaud). "Bring out your vowels" (sortez vos voyelles) reprend un siècle plus tard Jim Morisson avec les Doors dans une chanson restée célèbre. "You are slaves" (vous êtes des esclaves) avait-il coutume de dire sur scène pour secouer son auditoire et l'inciter à faire le passage :: "Break on through the other side !" (faites le pas de l'autre coté), en musique s'il vous plait ! Pour honorer ce verset de Verlaine ? "De la musique avant toute chose et pour cela préfère l'impair" (Art poétique). Tout le propos et le but de la poésie se tient là. Sortir de l'ornière des mots et du conditionnement de l'Histoire pour libérer nos âmes et enfanter un autre monde.
“Dieu le fracas que fait un poète que l’on tue” clame Aragon, en hommage à Garcia Lorca tombé sous les coups des franquistes pendant la Guerre d'Espagne. La poésie n'a pas seulement la qualité de percer le mur des silences au cœur de son temps, elle a la force de traverser les âges et de faire Mémoire. N'est-ce pas un long poème, l'Illiade et l'Odyssée chantée par Homère, qui figure en premier rang des ouvrages littéraires de notre civilisation ? Et que dire de l'un des rares fragments qu'il nous reste de Parménide d'Elée, fondateur de la philosophie grecque antique, qui exposa ses idées en vers inspiré par une muse venue de l'éther l'enseigner ?
Non, la poésie n'est pas morte. Elle git juste tapie sous la cendre comme une braise prête à enflammer les cœurs. Le fracas de ce monde ne saurait l'étouffer car elle est d'Eternité. "Elle est retrouvée. Quoi ? L'Eternité ! C'est la mer allée avec le soleil" chante le prince des poètes en notre langue qui nous laissé ses voyelles pour traverser le temps et rejoindre l'éther. "A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu, voyelles. Je dirai quelques jours vos naissances latentes" entonne t-il pour nous inviter à la visiter dans les replis de leurs sonorités (Voyelles de Rimbaud). "Bring out your vowels" (sortez vos voyelles) reprend un siècle plus tard Jim Morisson avec les Doors dans une chanson restée célèbre. "You are slaves" (vous êtes des esclaves) avait-il coutume de dire sur scène pour secouer son auditoire et l'inciter à faire le passage :: "Break on through the other side !" (faites le pas de l'autre coté), en musique s'il vous plait ! Pour honorer ce verset de Verlaine ? "De la musique avant toute chose et pour cela préfère l'impair" (Art poétique). Tout le propos et le but de la poésie se tient là. Sortir de l'ornière des mots et du conditionnement de l'Histoire pour libérer nos âmes et enfanter un autre monde.
N'est pas poète qui veut. Mais tout homme a en lui la nostalgie d'une autre vie et peut sentir et se sentir porté voire enflammé par le verbe d'une voix qui transcende les lieux et les âges. De poète à prophète il n'y a guère qu'un peu d'air (r) soufflé (ph) du dehors de nous même qui envahit notre frêle condition d'homme sur terre pour se faire chantre de la beauté de et dans l'Univers, comme en témoigne le grand poète russe Pouchkine (1799-1837) dans ces vers :
Tourmenté d’une soif spirituelle,
J’allais errant dans un sombre désert,
Et un séraphin à six ailes m’apparut
À la croisée d’un sentier.
De ses doigts légers comme un songe,
Il toucha mes prunelles.
Mes prunelles s’ouvrirent voyantes
Comme celles d’un aiglon effarouché.
Il toucha mes oreilles,
Elles se remplirent
De bruits et de rumeurs.
Et je compris l’architecture des cieux
Et le vol des anges au-dessus des monts,
Et la voie des essaims
D’animaux marins sous les ondes,
Le travail souterrain
De la plante qui germe.
Et l’ange, se penchant vers ma bouche,
M’arracha ma langue pécheresse,
La diseuse de frivolités et de mensonges,
Et entre mes lèvres glacées
Sa main sanglante
Il mit le dard du sage serpent.
D’un glaive il fendit ma poitrine
Et en arracha mon cœur palpitant,
Et dans ma poitrine entrouverte
Il enfonça une braise ardente.
Tel un cadavre,
J’étais gisant dans le désert,
Et la voix de Dieu m’appela :
Lève-toi, prophète,
Vois, écoute et parcourant
Et les mers et les terres,
Brûle par la Parole
Les cœurs des humains.
J’allais errant dans un sombre désert,
Et un séraphin à six ailes m’apparut
À la croisée d’un sentier.
De ses doigts légers comme un songe,
Il toucha mes prunelles.
Mes prunelles s’ouvrirent voyantes
Comme celles d’un aiglon effarouché.
Il toucha mes oreilles,
Elles se remplirent
De bruits et de rumeurs.
Et je compris l’architecture des cieux
Et le vol des anges au-dessus des monts,
Et la voie des essaims
D’animaux marins sous les ondes,
Le travail souterrain
De la plante qui germe.
Et l’ange, se penchant vers ma bouche,
M’arracha ma langue pécheresse,
La diseuse de frivolités et de mensonges,
Et entre mes lèvres glacées
Sa main sanglante
Il mit le dard du sage serpent.
D’un glaive il fendit ma poitrine
Et en arracha mon cœur palpitant,
Et dans ma poitrine entrouverte
Il enfonça une braise ardente.
Tel un cadavre,
J’étais gisant dans le désert,
Et la voix de Dieu m’appela :
Lève-toi, prophète,
Vois, écoute et parcourant
Et les mers et les terres,
Brûle par la Parole
Les cœurs des humains.
Le prophète
Traduction par Mérimée
Traduction par Mérimée
NDLR 2025 : publié une première fois le 15 août 2024 dans une tentative de reprendre le fil de mon site d'alors, ce texte laissé en suspens et retiré de la publication après quelques temps, est repris ici augmenté près d'un an plus tard comme pour acter le silence qu'il me fallut pour sortir du noir. Je poursuivrai la parution d'articles sur ce nouveau site au gré des jours, mais privilégiant désormais l'écriture au long cours en vue de la sortie d'ouvrages publiables et monnayables (même un poète doit vivre, pardi !), mes publications se feront plus clairsemées et prendront davantage le tour d'un JOURNAL DE L'ÂME et d'un point nodal de l'ensemble de mes réalisations publiées ici et là, plutôt que d'un lieu de pensée soutenue, fidèle en cela à l'intention mise dans ce SITE MÉMOIRE : laisser juste une trace de mon passage.
Eric Desneux dit Ærik.
Eric Desneux dit Ærik.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Commentaires modérés. Merci de votre patience et de votre compréhension.