Mon verbe repousse
Je me redresse.
Lentement, le jour perce la chair.
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Lumière
Douleur printanière.
Douceur princière.
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Mon verbe repousse
Je me redresse.
Lentement, le jour perce la chair.
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Lumière
Douleur printanière.
Douceur princière.
Une promesse. Rien de plus. Un soupçon de beauté juvénile, les premières pousses du mois de mars. Mais qui doute que la chaleur reviendra, que l’herbe repoussera et que les arbres refleuriront ? Nous sommes si pressés de voir finir l’hiver qui se termine que nous sentons deja les brises d’été caresser nos visages.
Chaque année les saisons reviennent. Immanquablement. Comme pour nous rappeler à l’espérance. Mais l’humanité, elle, attend toujours son printemps. Elle a traversé maints hivers, espéré en de nombreux soleils pour faire surgir un monde meilleur : le paganisme et ses idoles, la religion et ses dogmes, la politique et ses lois et maintenant la science et ses “experts” (anthropologues, économistes, sociologues, médiologues, scientifiques…). Qu’en reste t-il aujourd’hui ? Où cela nous a t-il conduit ?
Je lis ces jours-ci dans la presse, que nos hommes politiques s’inquiètent (je cite) de ce que “les Français sont fatigués psychiquement”. Doux euphémisme pour dire que notre monde ne croit plus en rien, et surtout pas en ses “spécialistes”, que ses soleils se sont éteints.
LA Sève !
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J’étais vendredi soir à Montreuil pour assister à la projection de l’un de mes films sur l’islam, “La Nation du Milieu”. J’étais invité par une association musulmane qui tient un petit local d’information dans le quartier des morillons, un quartier très populaire dans les hauts de la ville. Dans la salle, une trentaine de personnes. Parmi elles, des chrétiens et des musulmans.
C’était la première fois que j’assistais à une projection publique de mon documentaire et j’étais un peu anxieux. Comment allait réagir la salle ? Le film est bâti sur une confrontation de propos entre chrétiens et musulmans et fait clairement ressortir les points de dissension entre les deux religions. Malgré cela, le film fut très bien accueilli. Peut-être parce qu’il fait montre “d’une profonde compréhension envers l’islam” pour reprendre les mots de l’un des participants, et qu’il est “habité par la volonté de dialogue et de comprendre l’autre“. Un film “à contre-courant” (de ce que divulgue habituellement les média) dira un musulman, qui saluera le courage de ma démarche.
Les échanges qui ont suivi m’ont confirmé l’intérêt porté au film et sa vocation à faire pont entre gens de confession différentes. “C’est dommage que vous n’ayez pas interviewé des juifs dans votre film“, m’ont même dit deux femmes en partant. “Comme ça on aurait été tous réunis” m’a t-elle lancé avec un large sourire en joignant ses deux mains. Le désir d’unité et d’entente est profond dans les cœurs me suis-je dit. Ce qui fait que les hommes s’opposent, tient peut-être à la trop grande importance que l’on attache aux formes de vivre et de croire. Mais il y a manifestement en l’homme, une force de dépassement qui n’a pas encore trouvé à s’épanouir et qui git, tapie dans les cœurs. Notre monde moderne, fatigué et perclus par des siècles d’affrontements idéologique et religieux, se laissera t-il gagner la douceur et la bienveillance ? Ce qui est sur, c’est qu’une certaine branche de l’islam a compris tout l’intérêt qu’elle avait à se développer en Europe, terre où elle peut échapper à une certaine pesanteur doctrinale et revisiter dans la paix, le sens profond de ses sources.
Loin des clichés habituels véhiculés par les médias, cette soirée m’a à nouveau confirmé que les musulmans forment une communauté très diverse, travaillée en profondeur par d’intenses courants de recherche et d’évolution, parfois même inconscients. Dans notre monde matérialiste qui a de toute part tendance à ignorer voire rejeter le spirituel, certains musulmans peuvent faire montre d’une radicalité excessive, comme pour se protéger ou manifester avec force leurs convictions . Mais au delà de ces comportements radicaux, parfois suicidaires (même socialement), l’islam n’ignore pas les grands courants d’individuation qui traversent notre modernité. Ceux-ci ont des répercussions aussi bien sur le statut et l’image de la femme, que sur la lecture des textes et les pratiques rituelles.
Ce n’est pas dans un petit article de blog que je vais détailler et étayer ces impressions. Quelques exemples seulement pour mettre à mal certains clichés persistants. Tout d’abord, il y a peu de musulmans réellement pratiquants en France. La majorité d’entre eux se disent musulmans comme d’autres se disent catholiques ou protestants. Ils pratiquent un islam de circonstance, fortement marqué par des habitudes culturelles. C’est en grande partie le cas de la jeunesse (pourtant force d’avenir). Ceux qui fantasment sur l’islamisation de la France se trompent complètement. Autre chose : une femme voilée n’est pas nécessairement une femme soumise à un “patriarcat machiste et arriéré” ; elle peut même faire montre d’une grande liberté de propos et d’action au sein même de sa communauté. Je suis convaincu pour ma part, que les femmes représentent une des principales forces d’évolution en islam. Pourquoi donc la France s’en prend t-elle le plus souvent à elles quand il s’agit de stigmatiser l’islam (loi sur le voile en 2004, polémique sur la burqa…) ? La société française gagnerait au contraire à les laisser s’exprimer en toute liberté.
En quittant la salle, je me suis attardé sur les livres (corans, guides pratiques) et autres produits proposés à la vente dans le local. Au milieu des chapelets, parfums, encens, tapis de prière…. je suis tombé sur un texte soufi d’une très grand profondeur, une longue méditation métaphysique, sur l’un des versets coraniques les plus énigmatiques, qui décrit Dieu comme semblable à une “lumière sur lumière“. Je n’ignore pas que l’Islam est aussi traversé par de forts courants rigoristes et hostiles au monde moderne, qu’il a un énorme travail à faire pour s’ouvrir et renouer avec les hautes valeurs spirituelles qui sont dans le Coran. Mais j’ai ramené dans ma voiture, comme un léger parfum de rose, la conviction intime que ce travail était déjà à l’œuvre dans les cœurs et que ses fruits pourraient bien à terme, nous surprendre.
Eric Desneux
8 mars 2010.
Paris, France.
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L’hiver persiste,
Je souffle.
Braises ! Mes forces souterraines.
Marcher.
Je me souviens d’un court passage du “Pigeon” de Patrick Süskind, qui décrit avec une profonde justesse les bienfaits que procure “la marche”. Le corps se délie et s’assouplit, les idées se remettent en place, les peines s’adoucissent, l’espoir reprend vie.
Allongé sur les bruyères encore sèches du mont Caroux, à près de 1000 m d’altitude après plusieurs heures de marche, je repose mes membres alourdis par 6 mois de vie citadine et je prends le soleil. “A sa chaleur rien n’est caché” dit le psaume 19 (18). Les psaumes ne sont pas à proprement parlé, “Parole de Dieu”. Ils figurent dans la Bible aux cotés des proverbes et de l’histoire de Job, parmi les écrits sapientaux et poétiques. Chant, louange, célébration, poème, ils manifestent la Gloire de Yahvé et la beauté du monde créé. La plupart sont attribués au Roi David, ce que confirme le Coran ( “Nous avons donné les psaumes à David” - s4/163).
À mes yeux et mes oreilles d’homme fatigué (physiquement et spirituellement), les psaumes font surtout office de réconfort. Ce qu’il y a de troublant en l’homme, c’est que sa fragilité égale sa résistance. Où qu’il se trouve, il concentre en un point minuscule de l’univers, un jeu de forces contraires, sans rapport avec ses forces et dimensions physiques, qu’il doit apprendre à maitriser s’il ne veut pas finir broyé. Chaque jour est un combat sans cesse recommencé.
Dans les moments de doute et de peine, les psaumes agissent comme un baume. en particulier celui-ci que j'affectionne tout particulièrement :
« Les cieux racontent la gloire de Dieuet l’œuvre de Ses Mains, le firmament l’annonce ;le jour au jour en redit le messageet la nuit l’apprend à la nuit.Ce ne sont ni mots ni paroles,ni voix qu’on puisse entendre ;par toute la terre résonne leur écho,jusqu’aux confins du monde leurs accents.En eux pour le soleil, Il dressa une tente,et lui, tel un époux sortant de sa chambre nuptiale,se fait joie, en héro, de courir sa carrière;d’une extrémité du ciel il sort,et sa course s’achève à l’autre extrémité,à son ardeur rien n’échappe. »
Ce ne sont pas des mots que j’adresse à Dieu mais à moi-même. Ils caressent mes plaies les plus profondes, et entre deux mots, je sens comme un regard maternel oindre mes pensées d’un rayon de lumière. Qui a dit que Dieu n’était qu’un Père ? Leur simple évocation ravivent mes forces, et m’enjoignent d’avancer.
La suite du psaume 19 exalte la Loi de Dieu et ses bienfaits, “plus désirables que l’or et que beaucoup d’or fin, plus doux que le miel et le suc des rayons”. Mais en croyant libre qui tient à distance ce que les religions ont d’arbitraire et de rigide, je substitue mentalement la soumission à “son ordre”, en un simple appel à vivre la bonté, libéré de tout dogme.
Croire en Dieu c’est d’abord se mettre en marche et Le chercher. Je n’ai pas d’autres certitudes que celle de Son Existence, parce que je l’ai éprouvé, et celle de la nécessité pour l’homme d’évoluer.
Eric Desneux